Théorie esthétique
Fais un poème en oreilles.
Dis-le.
de manière que ses pétales se déchocolatent
comme une cervelle dans un bocal.
Incorpore des noix, fondantes de pensée.
Fais-en un poème presque
lascivement évident
et fais dégorger l’évidence,
sirop du tronc frappé.
Fais-le serpenter jusqu’à la gueuse molécule
et place sa bouche
atomique contre la bouche médiane.
Tire sur sa tige
pour exposer son fœtus. Fais-lui
avoir des enfants aux mâchoires de gingembre lisses,
fais geindre les chiens sur son passage,
laisse-le sortir de son bocal,
couche-le avec notre cadavre, notre chaos.
Fais-le affamé, malfaisant, ennemi de la Mort.
Mets-le sur le papier. Lis-le. Que son soupir
soit chirurgie, si piquant que les scorpions l’appellent Jéhovah et Qui.
Fais-le maintenant avant de renoncer.
Compose-le, éjacule-le, caresse-le,
fais-le efficace, fais-le ajusté,
fais-le plus poème que ne peut survivre Poème.
Stan Rice, L’Agneau, 1975